Pensées vagabondes… 72. Le paiement des soldes

Le Général était perplexe, car malgré les assurances et les échanges d’ambassadeurs, la Générale de Mari avait attaqué plusieurs villes du royaume.

L’attaque de plusieurs villes du royaume était un événement normal. Le Général s’y attendait et ses années de commandement l’y avaient habitué. Il avait bien entendu contre-attaqué et il avait repris ces villes. Leur manque total de résistance l’avait surpris : elles étaient vides de
tout soldat ennemi. Poussant plus loin son attaque, il prit plusieurs villes de Mari, qui lui ouvrirent volontiers leurs portes car elles n’étaient pas défendues. Elles regorgeaient pourtant de marchandises qui manquaient au royaume.

Dérouté par cette stratégie inconnue, car Mari résistait opiniâtrement au royaume depuis des générations, le Général craignait un piège. Il fit appel au fou, dont seule la sagesse pouvait discerner le piège dans la situation inédite. Le fou recommanda de libérer sans contrepartie les villes de Mari qui avaient ouvert leurs portes sans combattre. Le Général approuva la prudence de cette décision.

Puis le fou écrivit une longue lettre à la Générale de Mari, pour lui demander la faveur de l’accepter comme stratège adjoint auprès d’elle et le Général admira le courage fou de cet homme, qui se livrait ainsi volontairement à l’ennemi. La Générale accepta évidemment, et le Général se demanda combien d’années il devra combattre pour libérer le fou de sa condition d’otage volontaire.

Et le fou rencontra la Générale, qui lui expliqua volontiers sa stratégie :
« Les caisses du royaume de Mari sont vides et il fallait trouver de quoi payer la solde de l’armée au printemps. J’ai donc visité plusieurs de vos villes afin d’y trouver à bas prix les marchandises que je pourrai vendre à Mari pour financer la solde.
— Mais pourquoi n’avez-vous pas simplement pillé ces villes conquises, conformément aux traditions militaires ?
— Parce que j’aurai encore besoin d’elles l’année prochaine.
— Et pourquoi y êtes-vous allée avec votre armée ?
— M’aurait-on ouvert les portes sinon ? »
Le fou reconnut et admira l’incroyable sagesse de la Générale mais il n’oubliait pas qu’il représentait le royaume, dont il devait défendre les intérêts : « Je suis le représentant du royaume. M’ouvrirez-vous les portes de Mari pour que j’y trouve les produits qui font défaut dans la capitale ? »
La Générale considéra le fou chétif aux bras malingres : « Devant une telle puissance, comment résister ? » Et le fou aida la Générale à organiser un grand marché à Mari, afin de payer la solde de son armée. Il écrivit au Général, pour obtenir encore plus de marchandises et le Général crut répondre à une demande de rançon.

Le fou écrivit également au roi, afin que de grands magasins soient construits au plus vite. Car à la fin de l’été, il était de retour dans le royaume, accompagné de la Générale qui le secondait dans cette mission : organiser un grand marché d’automne dans la capitale. On y vendit les excédents de Mari, achetés à vil prix, ce qui permit de payer la solde de l’armée sans que le Général ni l’Intendant ne s’en inquiètent.

Sur le long chemin d’une capitale à l’autre, le fou voyait la Générale comprendre par avance chacune de ses pensées. Quant à la Générale, elle avait enfin trouvé un homme qui apprécie et qui approuve ses initiatives parfois surprenantes.

La Générale est désormais l’épouse du fou.
C’est elle qui organise les soldes de printemps à Mari avec les excédents du royaume et les soldes d’automne dans la capitale avec les invendus de Mari.

 

Philippe

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