Le roi voulut visiter les écoles de scribes, et l’Erudit lui montra les fabriques de plumes et d’encre, les manufactures de papyrus, les champs de roseaux, et les élèves qui recopiaient avec soin le Grand Livre des Sages en s’appliquant sur la forme des lettres et l’espacement des lignes.
Le fou accompagnait le roi. Voyant la splendeur et l’usage du Grand Livre des Sages, il proposa d’écrire le Grand Livre des Fous.
Quand, au bout de plusieurs années, il remit son original, le roi apprécia en connaisseur la couverture de cuir aux motifs rehaussés d’or, les pages fines, souples et douces au toucher mais il ne put en comprendre les termes. Il fit donc convoquer le fou dans le plus grand secret,
afin de se faire expliquer cette sagesse particulière.
Dans le cabinet royal strictement gardé par les meilleurs archers, le roi ouvrit le Grand Livre des Fous et demanda ce que signifiait un tel ouvrage, dont toutes les pages étaient blanches et qui ne contenait aucun mot. Et le fou répondit en ces termes :
« Ce livre, Seigneur, ne pourra être achevé que lorsque la sagesse des hommes se sera totalement exprimée, ayant produit tout ce qu’elle pouvait de bien et de mal. Dans l’attente, vous-même, votre fils et le fils de votre fils pourrez y puiser tout le nécessaire.
Certains y verront une page blanche et tel sera leur règne.
D’autres y verront une page à écrire et que serait la sagesse d’un fou par rapport à celle d’un roi ? »
Philippe