Pensées vagabondes… 76. Le chien du mendiant

Une trilogie, ça a bien quatre volets n’est-ce pas ?

Les trois amis sortirent dans la rue, tout excités encore par la grande compétition sportive à laquelle ils venaient de participer par une consommation assidue de bière et de bretzels.

Tout tonitruants car « la victoire, c’est comme la défaite, ça se fête ! », ils arrivèrent sur la Grand’ Place qu’ils venaient de décider de nettoyer en chassant le mendiant qui s’y trouvait habituellement. Ils n’y virent pas le mendiant, mais seulement son chariot et ses hardes, ce qui était déjà un butin honorable à incendier.

Le premier s’avança arborant fièrement le briquet de luxe qu’il avait subtilisé hier sur une table de l’estaminet du coin. Mais un chien s’interposa, montrant les dents, grognant, hérissant les poils et prêt à sauter. L’homme recula.

Le plus âgé des trois s’avança, armé de sa canne : « Tu vas voir ce que tu vas voir, tu ne sais pas à qui tu as affaire ! » Et il asséna au chien trois coups de canne qui l’envoyèrent, assommé, quelques pas plus loin. Avant d’aller porter le coup de grâce au fauve qui l’avait défié, l’homme but fièrement une dernière goulée de bière et avala un dernier bretzel. Le bretzel se prit dans sa gorge et il crut s’étouffer. C’était un homme de conviction et donc, il s’étouffa.

Pendant que les deux amis tentaient de réanimer leur compère avec des bretzels et de la bière, le mendiant s’éclipsa avec ses bagages et ce chien qu’il ne connaissait pas. Car il était présent depuis le début mais, on le sait depuis ce jour-là, l’excès de bretzels trouble la vision. Le mendiant alla jusqu’au parc où il ranima le chien avec l’eau d’une fontaine.

Un enfant qui passait par là avec sa mère demanda « pourquoi le chien il était malade ». Il lui tendit un gâteau et lui fit une caresse, ce qui rétablit le chien en quelques minutes. Et le chien joua toute l’après-midi avec les enfants du parc. Les mamans s’étonnaient de son intelligence car il comprenait tout ce que disaient les enfants, les mamans et les mendiants.

A la fermeture, le mendiant contempla la moisson de « petites pièces » du jour. Jamais il n’en avait eu autant, une vraie fortune ! Il chercha des yeux « son » chien, mais ne le vit plus. Au dernier endroit où il se trouvait, le vent fit voler un coupon du Lot Tout Sportif du Foot National. Ce n’est que le lendemain qu’il sût que c’était le coupon gagnant du Grand Tirage Européen : une vraie fortune !

Les deux amis n’ont pas pu ranimer le plus âgé, qui se présenta à Dieu le soir même : « Tu vas voir ce que tu vas voir, tu ne sais pas à qui tu as affaire ! »
Mais il dut faire la queue, comme tout le monde, car Dieu s’était absenté.

Il s’était rendu sur la terre où, pour que personne ne le reconnaisse, il s’était habillé en chien.

 

Philippe

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