Un vigneron impopulaire, ça fait un fou AOC n’est-ce pas ?
L’étranger entrait pour la première fois dans le temple.
Le portier qui l’accueillit lui montra les hautes colonnes de marbre blanc qui soutenaient le fronton monolithique, les lourdes pierres taillées dans les carrières et tirées à bras d’hommes jusqu’au chantier, les arches pour la construction desquelles l’Architecte avait déployé des trésors d’ingéniosité, le mortier mélangé à la cendre de cèdre dont les proportions sacrées sont interdites pour toute autre construction dans le royaume.
Un scribe lui montra le Grand Livre des Anciens, que les élèves recopiaient dans les écoles sous la haute autorité de l’Erudit, en respectant la forme des lettres et l’espacement des lignes. Et l’Etranger qui ne savait pas lire admira la couverture de cuir aux motifs rehaussés d’or, les pages fines, souples et douces au toucher mais il ne put en comprendre les termes.
Un prêtre lui montra le Grand Autel d’airain sur lequel le feu ne s’éteint jamais, les lampes à huile où brûlaient les aromates et l’essence de rose et les innombrables chandeliers d’ivoire qui entretenaient la lumière, nuit et jour, dans le temple.
Le Chantre lui montra les instruments de musique, lyres, luths et tambourins qui glorifiaient Dieu à chaque heure du jour et à chaque veille de la nuit. Et l’étranger s’émerveilla de l’harmonie des chants.
Lorsqu’ils sortirent, le portier fit remarquer le pavement de l’Esplanade, en dalles d’albâtre scellées qui reflètent la lumière et font fondre la neige, aux joints symétriques qui appellent le regard et l’attirent vers les quatre vents.
Lorsqu’il sortit, admiratif, l’étranger croisa un vigneron à qui on avait interdit l’accès au temple, car sa seule présence causait des désordres.
Le vigneron remarqua la minceur de la couverture qui protégeait les épaules de l’étranger :
« Où comptes-tu passer la nuit comme çà ?
— …
— Viens à la maison. Il n’y a pas trop de place, mais on va s’arranger. »
Philippe