Le jeune garçon pleurait à chaudes larmes. Il pleurait la mort de son père, il pleurait le chagrin de sa mère, les lendemains incertains et l’atelier qu’il devra animer seul désormais, sans savoir s’il en aura la force.
Un ange le vit et les anges ne peuvent résister au chagrin des enfants. Il vint dans l’atelier, juste devant l’enfant qui le vit à travers ses larmes, et demanda : Qui es-tu ? Un ange ne répond pas à cette question, mais les larmes étaient si fortes qu’il fit une exception et répondit : « Je suis Gabriel. »
Et l’enfant regarda les pieds bardés de fer, l’épée brillante à double tranchant, la lumière qui s’exhalait de l’ange et que la cuirasse ne parvenait pas à masquer, les ailes diaphanes et le regard de l’ange, que seuls les enfants peuvent soutenir. Et il pensa : Qu’ai-je à faire aujourd’hui d’un ange-soldat ? L’ange entendit la pensée et sourit.
Et l’enfant fixa l’ange : je veux revoir mon père. L’ange sourit encore et lui montra son père, dans l’encadrement de la porte. Un vieillard se tenait derrière lui. Ce vieillard semblait familier, mais l’enfant n’avait d’yeux que pour son père qui s’approcha et l’appela : Emmanuel, ne pleure pas. Emmanuel, c’était le surnom dont se servait son père quand il était fier de lui. Et l’enfant écoutait sans comprendre. Son père reprit : « Mon enfant, tu auras bientôt douze ans, c’est l’âge de la majorité des rois. Je savais depuis le début que je ne pourrai pas te suivre jusque-là. »
Et l’enfant ne comprenait pas. La majorité des rois, dit-il, n’est pas celle des charpentiers, et je suis charpentier, fils de charpentier ! L’ange vit sa douleur, son incompréhension. Il avança, presqu’à toucher l’enfant, et voulut expliquer : « Le chagrin, la douleur, la maladie et la mort font partie de la vie des hommes et il faut que tu sois pleinement un homme. »
L’enfant se révolta : « Mais je n’en veux pas, de la douleur, ni de la maladie,ni de la mort. Elles ne font pas partie de mon monde ! » L’ange se retourna et le vieillard fit oui de la tête, avant de s’avancer à son tour et de poser les mains sur les épaules de l’enfant, qui s’effondra sous la chaleur de la caresse. Quand il put enfin se relever, il ne restait que l’ange qui le soutenait, un genou au sol près de lui.
L’ange se releva et fit un pas en arrière. Avant de disparaître, il sourit de nouveau et demanda :
Quel est ton nom ?
Et l’enfant répondit : je suis Jésus, de Nazareth.
Philippe