Pensées vagabondes… 81. L’Architecte et le Jardinier

L’Architecte et le Jardinier s’étaient disputés.

L’Architecte avait restauré l’aile droite du château, car le roi voulait l’aménager en résidence pour la reine. Le Jardinier avait planté un magnifique verger pour que la reine puisse y réunir à l’ombre ses invités et ses suivantes.

Pour la décoration de l’inauguration, l’architecte voulait couper les branches en fleurs des arbres, pour en faire un lit de pétales blancs sur le pavement des allées et des salles de réceptions. Mais le jardinier s’y opposait farouchement, car si on coupe les branches en fleurs, jamais les arbres ne porteront de fruits !

La date de l’inauguration approchait, et les deux ministres continuaient de s’épuiser dans leur querelle. Ils firent appel au roi, qui délégua au fou le soin de ramener les deux hommes à la raison.

Le fou organisa un grand festin, auquel il convia sa famille, celle de l’Architecte et celle du Jardinier. Le festin se termina par une coupe de fruits spécialement au goût de l’Architecte et une infusion de fleurs de camomille, comme l’aimait le Jardinier. Après quoi le fou demanda à l’Ambassadeur d’une cité grecque de faire un discours philosophique, sur les bienfaits relatifs et comparés des fleurs et des fruits, discours que personne ne comprit pleinement, car l’assistance l’avait écouté après ce plantureux et délicieux festin, étendue sur de moelleuses nattes parfumées à la cannelle …

Mais à dater de ce discours, la jolie fille de l’Architecte ne quitta plus l’athlétique fils du Jardinier. Ils s’étaient jetés quelques regards au cours de l’introduction, avaient fait connaissance durant la première heure de discours philosophique et avaient sympathisé durant l’antithèse.
« Et ce qu’ils firent en synthèse, la rirette, la rirè-ette,
Et ce qu’ils firent en synthèse
N’est pas dit dans la chanson (bis)… »

Le fou ayant béni les fiançailles, les parents durent s’entendre, car qui irait contre l’avis d’un tel notable ?

C’est ainsi que l’inauguration fut parfumée tant d’écorces d’oranges que de fleurs d’orangers, car ni le philosophe, ni le fou ne purent dire qui vient en premier, de la fleur qui s’épanouit au printemps ou de l’écorce, seule partie visible du fruit quand on l’observe.

La question reste ouverte, il n’existe toujours pas de primauté entre ce qui vient en premier dans le temps et ce qu’on voit en premier dans l’espace.

Le premier petit-fils du Jardinier et de l’Architecte fut prénommé Pépin.

 

Philippe

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