Encore une histoire de fous!
Le peuple était en révolte et le roi convoqua son conseil.
Et les conseillers se disputaient sur la conduite à tenir, comment on réprimerait ce peuple qui osait se révolter, malgré la sage administration du roi et de son conseil. Chaque conseiller, chaque ministre voulait imposer sa sagesse, sa solution particulière. Dans la salle, plus personne n’écoutait personne, le vacarme allait croissant.
Intrigué par le bruit, le fou voulut entrer. Retrouvant enfin leur unanimité, les conseillers lui barrèrent la route ensemble, avec force cris et une grande indignation.
Le roi leva la main pour imposer le silence et invita le fou à s’approcher. S’interposant, le plus ancien des sages fit immédiatement valoir qu’un fou ne pouvait pas se joindre au conseil royal car disait-il, ce fou vit dans ses rêves. Le premier ministre approuva de la tête et chaque conseiller se mit à surenchérir, à apporter maints éléments factuels, maintes évidences avérées pour démontrer que le fou vivait dans ses rêves. Et le brouhaha reprit de plus belle, sans qu’aucun ne puisse plus se faire entendre et sans que le fou ne puisse répondre.
Le roi leva la main de nouveau et tous se turent. « Mes chers conseillers, dit-il, mes chers ministres, si vous vous révoltez contre l’ordre royal de laisser entrer le fou, je ferais tirer au hasard n’importe laquelle des solutions que vous proposez pour mâter une révolte et je la ferais appliquer au conseil. »
Tous pâlirent devant la menace, sauf le fou qui mit un genou à terre devant le roi et lui dit :
« Votre Majesté, vous avez entendu les propositions de vos conseillers et de vos ministres, motivées par des faits constatés et par leur grande expérience. Et c’est fort sagement que vos conseillers ont insisté en disant que je vis dans mes rêves : ils ont raison sur ces deux points. En ce qui concerne la révolte du peuple, auquel de ces nobles seigneurs ferez-vous confiance : à celui qui ne vit pas, ou à celui qui n’a point de rêve ? »
Et le roi fit confiance au fou, qui donna un rêve au peuple. Et oubliant sa révolte, le peuple donna vie au rêve.
Philippe