L’ennemi avait gagné la bataille et le Conseil Royal convoqua d’urgence le Général dans la capitale, afin d’obtenir les explications détaillées nécessaires.
Un détail en appelant un autre, les explications durèrent plusieurs mois durant lesquels l’ennemi ravageait le royaume. Et l’importance des dégâts démontrait l’importance d’obtenir les explications !
L’armée, faute d’être commandée, subissait défaite sur défaite, ce qui justifia de nouvelles enquêtes. Un jour, profitant de la prolongation d’une séance de délibérations du Conseil au sujet d’un détail majeur, quelques soldats assassinèrent le roi et mirent le Général à sa place.
Délaissant aussitôt les débats, le Général se remit en campagne, prenant soin d’emmener avec lui le fils de l’ancien roi sous bonne garde. Une fois l’ennemi vaincu et les frontières rétablies, ils rentrèrent dans la capitale où le Conseil préparait les fêtes triomphales de célébration de la victoire, dont le point d’orgue sera la mise à mort du fils de l’ancien roi.
Et le Général présida pendant de longues semaines aux séances toujours prolongées du Conseil, entendant thèses et antithèses, propositions et contre-propositions, variantes et variations, certitudes indéfinies et incertitudes définies au sujet du meilleur supplice à
appliquer au fils de l’ancien roi. C’est au beau milieu d’une diatribe animée que le Général trancha la question : « Il sera plus facile de choisir entre les solutions que vous proposez après les avoir vues en pratique. » Il condamna donc les conseillers les plus assidus, chacun au
supplice qu’il avait si ardemment défendu. Le Conseil ne faisant plus aucune proposition supplémentaire, le Général considéra que la question était réglée et rétablit le fils du roi sur le trône de son père, en disant : « Je sais comment traiter avec les ennemis de Votre Majesté et j’ai pu vous protéger de vos amis le temps nécessaire. Mais il faut que je retourne aux frontières car l’ennemi lève déjà une nouvelle armée. »
Le roi avait compris toute l’utilité bienveillante et la pertinence du Conseil Royal. Il lui confia donc une mission de la plus haute importance: déterminer avec précision, par un texte dédié et justifié, les conditions préliminaires à l’acceptation d’un projet d’encadrement des lois du royaume. Afin de laisser au conseil tout son libre arbitre, le roi ne participera pas au débats et n’y assistera pas, mais ne manquera pas de lire les conclusions pertinentes auxquelles ses conseillers arriveront, dès que ces conclusions feront l’unanimité.
Afin de préserver la mémoire des hommes, les nombreux discours qui s’en suivirent furent consignés par des scribes et furent rangés par ordre et avec soin dans la Bibliothèque de Suze, rapidement promue Grande Bibliothèque de Suze, puis Très Grande Bibliothèque du
Royaume.
C’est cette bibliothèque qui s’écroula des années plus tard sous le poids de la sagesse des hommes : Une perte capitale pour l’humanité, un événement mineur pour les hommes.
Philippe