Pensées vagabondes… 67. Le Stratège

Le Général était en conférence avec le Stratège, comme ils le faisaient chaque hiver pendant que les chefs de dizaines entraînaient les nouvelles troupes, que les chefs de centaines vérifiaient les armes neuves forgées dans l’année par les artisans et que les chefs de milliers
inspectaient les villes frontières où ils installeront les vétérans qui quittaient (déjà) l’armée dans laquelle ils avaient servi vingt-quatre années, plus une.

Par avance, le stratège savourait la cérémonie qu’organiseront les chefs de milliers : « Chaque vétéran citera toutes les campagnes à laquelle il a participé, toutes les victoires qu’il a remportées et toutes les défaites auxquelles il a survécu. Selon l’usage, il laissera admirer les cicatrices récoltées par toute la terre habitée, ce qui favorise le recrutement auprès des jeunes. Il terminera obligatoirement par la phrase qui le libérera de son serment militaire : Une vie de soldat passe vite à la bataille ! ».

Le Stratège eut un regard complice vers le Général avant de reprendre : « Il recevra ensuite, selon la coutume du royaume, une maison dans une ville frontière, avec une vigne et un olivier. J’y ai fait ajouter, selon la coutume de leur Général, une jolie captive choisie parmi celles des villes récemment conquises. »

Le Général acquiesça : « Tu sais, père, qu’une armée qui a un rêve est une armée qui combat mieux.
— Tu nous l’as montré amplement l’année dernière, si nous avions eu le moindre doute ! Mais comment comptes-tu organiser l’armée pour la prochaine campagne ?
— Il y aura, comme l’année dernière, douze soldats par dizaine, douze dizaines par centaine et douze centaines par millier. Mais il y a une innovation : chaque millier sera composé de deux demi-milliers de quatre centaines chacun. De même, chaque centaine sera composée de
deux demi-centaines de quatre dizaines chacune et chaque dizaine de deux demi-dizaines de quatre soldats. Cela ajoutera à la souplesse de l’ensemble. J’ai vérifié avec le Scientifique et douze haricots, c’est parfait.
— Tu distingues des chefs de centaines avec des haricots ?
— C’est ce que le Scientifique a appelé un modèle mathématique : chaque haricot est manœuvré comme une centaine. Tu places quatre haricots sous les ordres de chaque chef de demi-millier, il reste quatre haricots sous les ordres directs du chef de millier pour attaquer ou
agir selon le déroulement de la bataille. »

Le Stratège saisit les deux mains de son fils et ses yeux s’embrumèrent :
« Tu as toujours été meilleur que moi en mathématiques.
C’était mon point faible quand je dirigeais l’armée. »

 

Philippe

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